Au quatrième siècle avant J-C., Carthage jouissait d’une rare
constitution, ce qui lui a valu les vantes du philosophe grec Aristote. En
effet, selon les dires d’Aristote, la constitution de Carthage à cette
époque-là était incontestablement une
des meilleures au monde vu qu’elle assurait aux Carthaginois un certains nombre
de libertés et de droits, et assurait la pérennité de l’Etat.
Certainement, la glorieuse Carthage du quatrième siècle
avant J-C. avait une organisation politique de type hybride mêlant les éléments
de trois régimes, à savoir :
•
Un régime de type
monarchique, composé par deux suffètes qui avaient la charge de gérer l’administration civile,
de rendre la justice et de convoquer les assemblées. Ces suffètes étaient élus
et n’exerçaient ni le pouvoir militaire ni le pouvoir religieux.
• Un régime de type
oligarchique, représenté par le Conseil des anciens, constitué de près de 300
aristocrates, qui était en charge de toutes les affaires intérieures de la cité
et de sa politique étrangère.
• Un régime démocratique,
constitué par l’Assemblée du peuple. Cette large assemblée était composée de
tous les hommes libres de la cité et se réunissait place de l’agora, à l’occasion
des grandes décisions, ou pour trancher, en cas de désaccord, entre les deux
premiers pouvoirs.
Au vingt et unième siècle après J-C., la Tunisie post-troika
a inventé, en l’absence d’une aussi «remarquable» constitution, encore et éternellement
en projet depuis presque 2 ans , un régime hybride similaire, mais informel lui
aussi mêlant les trois régimes:
1. Le régime de type
monarchique, composé par les deux suffètes, il s’agit bien de Beji Caied
Essebsi (BCE) le chef des démocrates, des destouriens, des progressistes et des
modernistes d’un côté et le cheikh Rached Kheriji Ghannouchi (RKG) de l’autre, chef
des islamistes, des conservateurs et leurs condisciples. Ces deux suffètes ne
sont pas élus certes, mais chacun d’eux exerce un pouvoir moral fort au sein de
son camp. BCE exerce de ce fait, un pouvoir discrétionnaire sur l’inteligencia Tunisienne,
l’administration, les corps républicains, la classe moyenne et supérieure ( employés
et fonctionnaires, cadres, universitaires, journalistes, professeurs, medecins,
avocats et autres professions libérales…) et d’une façon générale les
intellectuels ! Alors que le RKG s’accapare le pouvoir religieux, détient une
obscure attraction et une étrange sympathie auprès de ses disciples et une large
frange du peuple effritée mais encore importante … dans une majorité composée
de religieux, de conservateurs et de fans de niveau intellectuel faible à moyen !
Mais aussi, une non négligeable et influente classe de nouveaux riches entrepreneurs
ou exerçants dans l’artisanat et dans divers métiers, notamment de riches propriétaires terrains, commerçants
et même des industriels !
2. Le régime de type
oligarchique, représenté par la grande majorité des élus de l’ANC ! (majorité
issue du scrutin du 23 octobre) constitué de près de 140 députés, en charge de la rédaction de la
constitution et des affaires politiques et législatives ! la légitimité de
cette majorité n’est plus que consensuelle après l’expiration de la durée d’un
année et l’assassinat de Chokri Belaid …mais
elle continue à exercer un pouvoir semblable à celui exercé par les aristocrates
carthaginois ! c’est à cela qu’on peut les qualifier d’alter-égo de l’Antique
Conseil Carthaginois des Anciens.
3. Le régime démocratique (au
sens de la démocratie participative direct) , constitué par les sit-ineurs, les
manifestants, les syndicats, le patronat, la société civil, les bloggeurs, les
facebookeurs … qui s’expriment et qui se manifestent contrairement à une
majorité silencieuse notamment après l’assassinat de Mohamed Brahmi devant l’ANC,
à la place du Bardo et devant les Gouvernorats et les Délégations. Cette «
large assemblée » est elle aussi, d’ailleurs comme l’antique Assemblée du
peuple carthaginois, composée de tous les hommes libres de la cité qui se
réunissait à la place de l’agora, à l’occasion des grandes décisions, ou pour
trancher, en cas de désaccord, entre les détenteurs des deux premiers pouvoirs.
A méditer !