jeudi 29 août 2013

La mémoire inconsciente des carthaginois



Au quatrième siècle avant J-C., Carthage jouissait d’une rare constitution, ce qui lui a valu les vantes du philosophe grec Aristote. En effet, selon les dires d’Aristote, la constitution de Carthage à cette époque-là  était incontestablement une des meilleures au monde vu qu’elle assurait aux Carthaginois un certains nombre de libertés et de droits, et assurait la pérennité de l’Etat.
Certainement, la glorieuse Carthage du quatrième siècle avant J-C. avait une organisation politique de type hybride mêlant les éléments de trois régimes, à savoir :
       Un régime de type monarchique, composé par deux suffètes qui avaient  la charge de gérer l’administration civile, de rendre la justice et de convoquer les assemblées. Ces suffètes étaient élus et n’exerçaient ni le pouvoir militaire ni le pouvoir religieux.
      Un régime de type oligarchique, représenté par le Conseil des anciens, constitué de près de 300 aristocrates, qui était en charge de toutes les affaires intérieures de la cité et de sa politique étrangère.
      Un régime démocratique, constitué par l’Assemblée du peuple. Cette large assemblée était composée de tous les hommes libres de la cité et se réunissait place de l’agora, à l’occasion des grandes décisions, ou pour trancher, en cas de désaccord, entre les deux premiers pouvoirs.
Au vingt et unième siècle après J-C., la Tunisie post-troika a inventé, en l’absence d’une aussi «remarquable» constitution, encore et éternellement en projet depuis presque 2 ans , un régime hybride similaire, mais informel lui aussi mêlant les trois régimes:
1.     Le régime de type monarchique, composé par les deux suffètes, il s’agit bien de Beji Caied Essebsi (BCE) le chef des démocrates, des destouriens, des progressistes et des modernistes d’un côté et le cheikh Rached Kheriji Ghannouchi (RKG) de l’autre, chef des islamistes, des conservateurs et leurs condisciples. Ces deux suffètes ne sont pas élus certes, mais chacun d’eux exerce un pouvoir moral fort au sein de son camp. BCE exerce de ce fait, un pouvoir discrétionnaire sur l’inteligencia Tunisienne, l’administration, les corps républicains, la classe moyenne et supérieure ( employés et fonctionnaires, cadres, universitaires, journalistes, professeurs, medecins, avocats et autres professions libérales…) et d’une façon générale les intellectuels ! Alors que le RKG s’accapare le pouvoir religieux, détient une obscure attraction et une étrange sympathie auprès de ses disciples et une large frange du peuple effritée mais encore importante … dans une majorité composée de religieux, de conservateurs et de fans de niveau intellectuel faible à moyen ! Mais aussi, une non négligeable et influente classe de nouveaux riches entrepreneurs ou exerçants dans l’artisanat et dans divers métiers, notamment  de riches propriétaires terrains, commerçants et même des industriels !     
2.     Le régime de type oligarchique, représenté par la grande majorité des élus de l’ANC ! (majorité issue du scrutin du 23 octobre) constitué de près de 140  députés, en charge de la rédaction de la constitution et des affaires politiques et législatives ! la légitimité de cette majorité n’est plus que consensuelle après l’expiration de la durée d’un année et l’assassinat de Chokri Belaid  …mais elle continue à exercer un pouvoir semblable à celui exercé par les aristocrates carthaginois ! c’est à cela qu’on peut les qualifier d’alter-égo de l’Antique Conseil Carthaginois des Anciens.
3.     Le régime démocratique (au sens de la démocratie participative direct) , constitué par les sit-ineurs, les manifestants, les syndicats, le patronat, la société civil, les bloggeurs, les facebookeurs … qui s’expriment et qui se manifestent contrairement à une majorité silencieuse notamment après l’assassinat de Mohamed Brahmi devant l’ANC, à la place du Bardo et devant les Gouvernorats et les Délégations. Cette «  large assemblée » est elle aussi, d’ailleurs comme l’antique Assemblée du peuple carthaginois, composée de tous les hommes libres de la cité qui se réunissait à la place de l’agora, à l’occasion des grandes décisions, ou pour trancher, en cas de désaccord, entre les détenteurs des deux premiers pouvoirs.
A méditer !