samedi 4 avril 2015

Nomina si nescis, perit et cognito rerum ! Avril .. l'histoire


Détail de la mosaïque agricole d’El Djem, Tunisie, 3ème siècle.
La légende romaine veut que c'est Romulus qui nomma le second mois; Avril, ou Aphril, avec aspiration, qui vient du mot écume (aphros en grec), de laquelle on croit que Vénus est née.

En voici le motif qu'on prête à Romulus.Ayant nommé Mars le premier mois de l'année, du nom de son père, il voulut que le second mois prît son nom de Vénus, mère d'Énée, le fondateur mythique de Rome (après son passage à Carthage auprès de la reine Didon).   

Cincius, dans son Traité des Fastes, a réfuté que les anciens romains ont dénommé le mois d'avril du nom de Vénus, puisqu'ils n'ont établi, durant ce mois, aucun jour de fête, ni aucun sacrifice solennel en l'honneur de cette déesse ; et que, même dans les chants des Saliens, Vénus n'est point célébrée comme le sont tous les autres dieux !!! D'ailleurs, Varron est d'accord sur ce point avec Cincius. 

Ils pensent, tous les deux, que les Romains donnaient au mois qui succède à Mars, le nom d'aperilis, du mot latin ăpĕrĭo, qui veut dire ouvrir, soit parce que, dans ce mois, les bourgeons commencent à s'ouvrir , soit parce que la terre semble s'ouvrir en se couvrant d'une végétation nouvelle. En effet, jusqu'à l'équinoxe du printemps, le ciel est triste et voilé de nuages, la mer fermée aux navigateurs, la terre elle-même couverte par les eaux ou les neiges, tandis que le printemps, survenant dans le mois d'avril, ouvre toutes les voies, et que les arbres commencent alors à se développer, ainsi que tous les germes que la terre renferme; 

Certains font remonter Avril à l’étrusque Apru, qu’il dérivent du grec ancien Aphro, abréviation d’Ἀφροδίτη, Aphrodite, déesse de la beauté et de l’amour.

Verrius Flaccus convient qu'il fut établi, plus tard, que les dames romaines célébreraient, le jour des calendes de ce mois, une fête en l'honneur de Vénus. Le jour des Kalendes, (le premier du mois),  les dames romaines mariées se paraient les cheveux de myrte, après les avoir lavés et sacrifiaient  à Vénus  sous un arbre. Les femmes en âge de se marier rendaient un culte à la Fortune Virile, en lui demandant de cacher leurs défauts physiques aux yeux de leurs éventuels  prétendants.



  

Le poète Ausone représente le mois d'avril sous les traits d'un jeune homme couronné de myrte et qui semble danser au son des instruments.  "Près de lui est une cassolette d'où l'encens s'exhale en fumée et le flambeau qui brûle dans sa main répand des odeurs aromatiques."  


Dans la mesure où l’analyse sémantique et historique de Macrobe, en particulier sur l’introduction postérieure à celle du calendrier, du culte de Vénus et d’Aphrodite, est relativement exacte, la dérivation à partir de ăpĕrĭo (« ouvrir ») est, sémantiquement parlant, la plus valide. Notons la proximité avec apricus (« exposé au grand air, découvert, exposé au soleil »).

Le mois d'Avril était aussi consacré à la déesse Cybèle, la mère des dieux, comme l'appelaient les Grecs. 

une statue de Cybèle, domine la fontaine de la Plaza de Cibeles - Madrid

C'était à Pessinonte, en Phrygie, que se trouvait le principal temple consacré à Cybèle ; on l'y adorait sous la forme d'une pierre noire, qui était, disait-on, tombée du ciel. 

Devant les périls de la Deuxième Guerre punique, les Romains recherchèrent la protection de nouveaux dieux. La légende rapporte même un événement qui parut extraordinaire, une pluie de pierres, terrifiant les esprits. Les Romains consultent les livres sibyllins et ils trouvèrent une explication, une prédiction portant que leur ennemi juré (Carthage) serait vaincu si l'on apportait à Rome la mère des dieux de Pessinonte. 


En 203 av. J.-C, la statut en pierre noire qui représentait Cybèle fut apportée en grande pompe à Rome.  

Douze ans après, le 4 avril 191, lorsque Marcus Iunius Brutus dédia le temple qu’il avait voué à Cybèle et dont il avait ordonné la construction en 203, et depuis tout les 4 avril de chaque année qui suivait, des jeux dis Mégalésiens (Ludi Megalenses ou Megalesia ludi), furent institués en l'honneur de la déesse pour perpétuer le souvenir de son entrée dans la capitale de l'Italie. 

La fête durait six jours; les deux premiers étaient consacrés aux cérémonies religieuses, et les autres aux jeux, qui consistaient exclusivement en représentations dramatiques exécutées sur le mont Palatin devant le temple même de Cybèle. 
La période des fêtes de Cybèle, tout comme le mois de célébration, étaient remplies de réjouissances et de festins. 

chaque 4 avril, les Romains portaient la statue de Cybèle en procession (un lectisterne) dans la ville et à l’occasion de ces fêtes s’organisaient les mutitationes cenarum. Il s'agit d'une habitude religieuse que les patriciens romains avaient de s’inviter l’un l’autre à des banquets en l’honneur de la déesse, et pendant ces jours de fête, l’extravagance et la belle vie étaient probablement portées à un très haut niveau. C’est pourquoi en 161 av. J.-C. le Sénat romain prit un décret interdisant à tous de dépasser un certain plafond de dépenses.

Les Mégalésies étaient présidées par les édiles curules; les magistrats y paraissaient vêtus de la prétexte et de la toge de pourpre.


Phidias représente la déesse assise sur un trône entre deux lions, ayant sur la tête une couronne murale de laquelle descend un voile. (ci contre : la déesse Cybèle sur son trône. Art romain. Musée national de Naples)


Quelquefois aussi Cybèle est représentée tenant une clef et paraissant écarter son voile, allégorie qui rappelle l'étymologie d'avril.



Dans la Grèce antique, le mois d'avril correspond pratiquement au neuvième mois (ou dixième quand l´année en comptait 13) du calendrier attique antique en vigueur dans la région d’Athènes, l’élaphébolion qui comptait 30 jours entre le 22 février et le 21 avril de notre calendrier actuel. Il tire son nom du mot grec (Ἑλαφηϐολιών) de la fête des Élaphébolies en l´honneur d’Artémis. Pendant son cours se déroulaient les Dionysies dites grandes ou urbaines (les 9-13)


Enfin, durant le mois de Mars on avait célébré les conquêtes et le courage , en avril, au contraire, comme pour adoucir cette volonté guerrière, nous serons fortement marqué par les cultes rendus à la nature, sauvage ou conquise par l’agriculture, et aux divinités-femmes, aux cultes agraires très anciens destinés à assurer la fécondité, l’abondance et  la survie.  Mois consacré  à la déesse-mère, à travers ses nombreux substituts locaux ou assimilés, Cybèle,  Vénus Aphrodite, Acca Laurentia, Tellus Terra....


En outre, à Vénus, nulle saison ne convenait mieux que le printemps :
Au printemps, les terres sont éclatantes, au printemps le champ est paisible ;
C'est alors que les jeunes pousses font craquer la terre et soulèvent leur tête,
C'est alors que les bourgeons poussent sur l'écorce gonflée de la branche ;
Vénus la belle est bien digne de la belle saison,
et, selon la coutume, elle suit directement son Mars aimé.
Au printemps, elle engage les nefs creuses à voguer sur les mers

                                                          [extrait des fastes d'Ovide]




mercredi 1 avril 2015

Le 1er avril vu autrement !!!



Chaque année, le 1er avril, les Grecs se rassemblaient autour du temple de Thésée pour exécuter des danses nationales. 

Thésée, dont les exploits sont restés légendaires, tua, comme l'on sait, le Minotaure, ce monstre à tête de taureau qui dévorait chaque année six jeunes garçons et six jeunes filles d'Athènes : c'était le tribut imposé par le roi de Crète, Minos, à la suite de l'assassinat de son fils Androgée par les Athéniens. 

Ariane, fille de Minos, sur les conseils de Dédale, donna à Thésée un fil qui devait le conduire dans la demeure, presque introuvable (le labyrinthe), habitée par le monstre. 

Thésée fut ingrat envers Ariane, qu'il abandonna dans l'île de Naxos.


Depuis chaque 1er avril, on célébrait la victoire de Thésée par des jeux et des chants. Parmi ces chants, quelques chœurs sont remarquables. 








L'un est considéré comme une reproduction de la danse que Dédale inventa pour Ariane. Le coryphée tient et guide ses compagnons, tantôt au moyen d'un fil, tantôt avec un mouchoir. Ce fil serait celui du labyrinthe ; ce mouchoir, serait destiné à essuyer les larmes d'Ariane. La personne qui tient le mouchoir dit ces paroles :« Navire qui es parti et qui m'enlèves mon bien-aimé, mes yeux, ma lumière, reviens pour me le rendre ou pour m'emmener aussi. » Quand Ariane a chanté, le chœur lui répond sur le même air : « Maître du navire, monseigneur, et vous, rocher, âme de ma vie, revenez pour me la rendre, ou pour m'emmener aussi. »

« C'est aux alternatives de réveil et de sommeil de la végétation, dit Maury, que se rapportent les deux genres de fêtes, les unes gaies, les autres tristes, que l'on célébrait en l'honneur de l'héroïne crétoise (Ariane) et qui firent croire aux mythologues des temps passés à l'existence de deux Arianes. »