dimanche 14 avril 2013

Les tisserands de soie, Hrairiya


Les Chinois ont longtemps gardé le secret de la fabrication de la soie. Des confins de l’Asie, les caravanes des commerçants arabes, traversant plusieurs déserts, empruntaient les routes de la soie pour arriver jusqu'au Maghreb. Lorsque les techniques de fabrication du fil de soie furent connues, l’art du tissage se développa au Maghreb.

Un ver, le bombyx du mûrier, qui ne fait que manger et dormir durant les six semaines de son existence, est à l’origine de la production de cette matière noble. De sa bave, cette chenille tisse entre 700 et 1 500 mètres de fil de soie, pour faire son cocon. Il s'agit d'un fil continu extrêmement fin que le maître d'art, professionnel d'excellence grâce à ses techniques et son savoir-faire exceptionnel, défait avec soin et art puis le teint et le met en bobines.

Au Moyen Âge, le tissage de la soie se professionnalise. Les tisserands, adoptent le métier à tisser horizontal. À Tunis, le tissage de la soie se développe à partir du XIVe siècle.

Au milieu du 19éme, on comptait, à Tunis, 106 ateliers pour la fabrication des tissus de soie. Tous ces ateliers se trouvaient groupés au Souk el harayria qui longeait la façade occidentale de la mosquée Zitouna. Le souk est fondé autour de 1450 par le souverain Hafside Abou Omar Othman. Les tisserands de soie, Hrairiya, se signalaient déjà depuis le 16ème siècle à l’admiration de Léon l’Africain. Les métiers utilisés existent encore, inchangés. Ils sont du type connu : deux rangs de lisses, animés par deux pédales. Ils ne diffèrent pas des métiers sur lesquels s’élaborent les tissages de coton ou de laine, mais les soieries façonnées exigent des opérations manuelles spéciales : au moyen de poulies complémentaires ; des fils sont levés irrégulièrement pour produire des variations de couleur et de points non prévues dans les jeux des lisses.

On fabriquait des pièces variées à destination précise : 

  • Safsari : grand voile blanc de sortie pour femmes
  • Takrita : petit fichu, parfois lamé d’or, qui maintenait la coiffe ou les cheveux.
  • Foutas et Blousas : Vétement d’intérieur et de fête pour femme dont la fouta beskri (drapé d’apparat en usage dans les régions de sahel, à Mahdia et à Jerba.
  • Schemla : ceinture d’homme
  • Chenbir noir

Le tisserand de soie occupa longtemps la place la plus élevée dans la corporation des tisserands, nombreux ont eux doit au nichan Al Iftikhar, décerné jusqu’à l’abolition de la monarchie en 1957 (Officier ou Chevalier de 1re ou de 2e classe). 


Les Ben Milad, les Ben Abdelkader et les Ben Abdallah sont des familles de tisserands. Des Amines qui se succédaient au Souk el harayria, on comptait certains issus de la famille Ben Abdelkader dont Mon arrière grand père Si Chedhely et le plus récent Si Mohamed Ben Abdelkader. Ce dernier était pour 12 ans, président de l'UTICA d'Avril 1948 à Octobre 1960. Il était aussi, le fondateur et le président du CNOT de 1957 à 1960 (Comité National Olympique Tunisien).


Un statut social et un métier qui ont perdu de leurs éclats ! un savoir-faire, une passion, un style de vie et un patrimoine qui sont en train de disparaître. A la médina, il ne reste aujourd'hui, qu'une petite vingtaine de tisserands, dispersés et qui survivent péniblement.

Le problème essentiel de la disparition de ces artisans est actuellement l'arrivée de nouveau tisserands qui ont repris cette activité et qui ne maîtrisent pas le marché amont, le coût de la matière première, la soie est très élevé et  une absence totale de soutien de l’état dans ce domaine. 

Le monopole de quelques commerçants, (dont certains sont des non tisserands) qui disposent des autorisations et des moyens pour importer la soie d’Asie et la revendre ensuite localement à des prix exorbitants, en est aussi une raison, mais la principale reste l'absence de débouchés ! 

Cette corporation se meure !

Abderrahmen BEN ABDELKADER

6 commentaires:

  1. SOIES ET TISSUS DE SOIE FABRIQUES A TUNIS EN 1847 PAR M. PRAX
    (Mission économique à Tunis en 1847. Eléments de compte rendu écrits par un certain M. PRAX)
    ...Tunis reçoit tous les ans, du Levant, de 60 à 80 000 kilogrammes de soie grège. On sait que la soie grège n'est employée dans l'industrie qu'après avoir subi plusieurs préparations, telles que le dévidage, le poil, la trame, la chaîne, la cuite, la couleur. a suivre ...

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  2. Le dévidage a pour but de transporter la soie sur des bobines appelées rochets.
    Dans la seconde opération appelée le poil, on tord la soie afin de rendre praticable la réunion de deux fils de grège.
    Le fil de soie est couvert d'un enduit glutineux, soluble dans l'eau bouillante chargée de savon. Opérer cette dissolution c'est ce qu'on appelle cuire la soie.
    Les soies écrues ou cuites qu'on veut teindre reçoivent diverses préparations suivant la couleur qu'on veut leur donner. On compte à Tunis 171 ateliers de teinture, réunis essentiellement au lieu dit Essabbaghin, les teinturiers, non loin de la porte Djezira. à suivre ...

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  3. Les couleurs données à la soie sont les suivantes :
    Akri, c'est le rose de carthame . Le carthame contient une couleur jaune soluble, qu'on chasse par le lavage. La couleur rose se dissout dans un bain contenant 1/5 de carbonate de soude ou de potasse. On y répand du jus de citron, afin de rendre la masse légèrement acide, et l'on tient la soie écrue dans ce bain, une nuit entière : elle reçoit la couleur précipitée par l'acide citrique.
    Ahmar-Ouardi, rouge de rosé ; c'est le rouge cochenille. La soie qui doit recevoir cette couleur est soumise à la cuite. Cette opération terminée, on retire la soie de l'eau savonneuse, on la presse avec la main pour faire tomber une partie de l'eau qu'elle contient, on l'entasse et on lui fait subir, pendant trois jours, l'action de la chaleur qui se produit naturellement. à suivre...

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  4. On la passe ensuite dans sept eaux différentes, et on la fait sécher au soleil. On plonge alors cette soie dans une dissolution d'alun, puis on met de l'eau de citerne dans une chaudière ; on prend pour 40 livres de soie 48 onces de cochenille et 9 onces de galle du tamarix articulata. La cochenille et la galle son pilées et mises dans la chaudière, dont on fait bouillir l'eau depuis le soir jusqu'au lendemain matin. La soie est alors tirée du bain, égouttée et exposée au soleil.
    La soie bleu, azrak, s'obtient ainsi qu'il suit : dans une jarre contenant de l'eau, on met 3 livres d'indigo en poudre, 2 livres de dattes, 4 fois les deux mains pleines de chaux ; on agite le bain avec un bâton pendant une demi-journée. On met dans ce bain la soie qu'on veut teindre ; elle y reste une nuit entière. On l'enlève le lendemain matin pour la laver trois fois au savon. à suivre ...

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  5. Pour avoir la soie noire, on prend l'écorce des racines d'un arbre appelé djedari. Cette écorce est pilée et mise dans l'eau ; on fait bouillir et l'on tamise à travers un linge. La soie bleue non lavée est plongée dans la liqueur froide ; elle y reste une demi-journée elle est ensuite lavée au savon. On recommence la même opération avec une nouvelle quantité d'écorce. La soie est enfin lavée sans savon et exposée au soleil ; elle est alors tout à fait noire.
    La soie est colorée en jaune par la racine d'une centaurée appelée redjaknou. On lave d'abord la soie au savon, on la laisse ensuite entassée pendant un jour : elle est lavée après dans sept eaux différentes. On l'alune avec deux livres d'alun réduit en poudre pour dix livres de soie. Elle passe une nuit dans le bain, puis on la lave. On met vingt livres de redjaknou pilé dans une chaudière contenant de l'eau qu'on fait bouillir. Dans la décoction tamisée on plonge les dix livres de soie, qu'on laisse dans le bain, sans feu, toute une nuit. Le lendemain matin, elle est retirée du bain et exposée au soleil pour sécher.
    Pour avoir la soie noire, on prend l'écorce des racines d'un arbre appelé djedari. Cette écorce est pilée et mise dans l'eau ; on fait bouillir et l'on tamise à travers un linge. La soie bleue non lavée est plongée dans la liqueur froide ; elle y reste une demi-journée elle est ensuite lavée au savon. On recommence la même opération avec une nouvelle quantité d'écorce. La soie est enfin lavée sans savon et exposée au soleil ; elle est alors tout à fait noire.
    La soie est colorée en jaune par la racine d'une centaurée appelée redjaknou. On lave d'abord la soie au savon, on la laisse ensuite entassée pendant un jour : elle est lavée après dans sept eaux différentes. On l'alune avec deux livres d'alun réduit en poudre pour dix livres de soie. Elle passe une nuit dans le bain, puis on la lave. On met vingt livres de redjaknou pilé dans une chaudière contenant de l'eau qu'on fait bouillir. Dans la décoction tamisée on plonge les dix livres de soie, qu'on laisse dans le bain, sans feu, toute une nuit. Le lendemain matin, elle est retirée du bain et exposée au soleil pour sécher.
    Pour avoir de la soie verte, on fait plonger, pendant une demi-journée, la soie jaune dans un bain d'indigo.
    La soie se vend au Souk et haraïria composé de deux rues que des voûtes en berceau recouvrent. La soie de Tunis est un article important sur les marchés des oasis de l'Algérie. Certains marchands prennent de la soie à Tunis pour les pays des noirs. Les frères Lander, qui ont fait il y a 20 ans un voyage dans l'intérieur de l'Afrique pour reconnaître l'embouchure du Niger, parlent de toiles de coton dont les bandes rouges sont faites avec la soie provenant de Tunis.
    On compte, à Tunis, 106 ateliers pour la fabrication des tissus de soie. Tous ces ateliers se trouvent groupés auprès de la mosquée de l'olivier.
    Les tissus sont vendus au Souk-er-Reba qui possède 45 boutiques occupées par des marchands de l'île de Djerba, qui vendent, en outre, des bonnets rouges, des ceintures, des mousselines, des toiles d'Egypte.
    Entre tous les tissus de soie faits à Tunis, les plus remarquables sont les voiles portés par les femmes de l'aristocratie. Ces voiles ont sur le côté des raies de diverses couleurs qui encadrent un grand rectangle noir d'un tissu léger. Les femmes arabes d'un certain rang se voilent la face en posant sur la tête ce riche tissu tout développé, le milieu sur le visage, les bouts tombant sur les côtés. Ce voile qui cache leur visage ne laisse passer, au travers de son tissu noir, que les rayons visuels de leurs beaux yeux. à suivre ...

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  6. Pour avoir la soie noire, on prend l'écorce des racines d'un arbre appelé djedari. Cette écorce est pilée et mise dans l'eau ; on fait bouillir et l'on tamise à travers un linge. La soie bleue non lavée est plongée dans la liqueur froide ; elle y reste une demi-journée elle est ensuite lavée au savon. On recommence la même opération avec une nouvelle quantité d'écorce. La soie est enfin lavée sans savon et exposée au soleil ; elle est alors tout à fait noire.
    La soie est colorée en jaune par la racine d'une centaurée appelée redjaknou. On lave d'abord la soie au savon, on la laisse ensuite entassée pendant un jour : elle est lavée après dans sept eaux différentes. On l'alune avec deux livres d'alun réduit en poudre pour dix livres de soie. Elle passe une nuit dans le bain, puis on la lave. On met vingt livres de redjaknou pilé dans une chaudière contenant de l'eau qu'on fait bouillir. Dans la décoction tamisée on plonge les dix livres de soie, qu'on laisse dans le bain, sans feu, toute une nuit. Le lendemain matin, elle est retirée du bain et exposée au soleil pour sécher.
    Pour avoir de la soie verte, on fait plonger, pendant une demi-journée, la soie jaune dans un bain d'indigo.
    La soie se vend au Souk et haraïria composé de deux rues que des voûtes en berceau recouvrent. La soie de Tunis est un article important sur les marchés des oasis de l'Algérie. Certains marchands prennent de la soie à Tunis pour les pays des noirs. Les frères Lander, qui ont fait il y a 20 ans un voyage dans l'intérieur de l'Afrique pour reconnaître l'embouchure du Niger, parlent de toiles de coton dont les bandes rouges sont faites avec la soie provenant de Tunis.
    On compte, à Tunis, 106 ateliers pour la fabrication des tissus de soie. Tous ces ateliers se trouvent groupés auprès de la mosquée de l'olivier.
    Les tissus sont vendus au Souk-er-Reba qui possède 45 boutiques occupées par des marchands de l'île de Djerba, qui vendent, en outre, des bonnets rouges, des ceintures, des mousselines, des toiles d'Egypte.
    Entre tous les tissus de soie faits à Tunis, les plus remarquables sont les voiles portés par les femmes de l'aristocratie. Ces voiles ont sur le côté des raies de diverses couleurs qui encadrent un grand rectangle noir d'un tissu léger. Les femmes arabes d'un certain rang se voilent la face en posant sur la tête ce riche tissu tout développé, le milieu sur le visage, les bouts tombant sur les côtés. Ce voile qui cache leur visage ne laisse passer, au travers de son tissu noir, que les rayons visuels de leurs beaux yeux ./.

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